L'Ivresse de Noé, histoire d'une malédiction
Matthieu Mégevand - publié le 16/05/2011
Dans son ouvrage L’Ivresse de Noé, Guillaume Hervieux nous emmène dans les multiples interprétations, juives, chrétiennes et musulmanes de ce récit biblique, et dans l’instrumentalisation historique de cette malédiction de Cham, reprise pour justifier l’esclavage, les conquêtes, la colonisation.
Tout part d’un mythe. Celui de Noé qui, une fois l’épreuve du Déluge passée, est surpris par l’un de ses fils, Cham, ivre et dans le plus simple appareil. L’ivresse disparue, Noé se réveille furieux et maudit Cham en la personne de son fils, Canaan, le condamnant, lui et sa descendance, à demeurer esclaves.
Dans un premier temps, le récit de Cham demeure cantonné au domaine théologique, pour les rabbins puis les premiers Pères de l’Eglise. Aucune catégorie ethnique de personnes n’est désignée comme destinée à la servitude, et la question se pose plutôt en terme de désobéissance à Dieu.
Seule la problématique du pêché - et de la malédiction qui en découle - est mise en avant pour justifier ou expliquer l’esclavage ; en aucun cas la couleur de la peau. Pourtant, avec l’apparition de l’islam au VIIe siècle, les choses se modifient peu à peu. Les musulmans, à partir du XIe siècle au moins, désignent Cham comme l’ancêtre du peuple noir (tandis que les Arabes et les Juifs descendent de Sem, et les Européens de Japhet).
"Vassaliser les indigènes"
Bien que le mythe de Cham ne serve pas d’explication principale, les peuples noirs sont rapidement considérés comme inférieurs -et ce en contradiction avec la révélation coranique- et asservis en conséquence. Mais le tournant fatidique demeure bien sûr la conquête des Nouveaux Mondes (Amériques et Afrique).
Les conquistadors se servent de récits bibliques pour justifier leurs présence et leur domination. "Un discours théologico-mythique est donc élaboré pour renforcer une légitime juridiction des princes chrétiens sur le Nouveau Monde, afin de vassaliser les indigènes -fils de Cham-, qui se seraient abusivement emparé des terres", explique Guillaume Hervieux.
On retrouve ces thèses chez une multitude d’auteurs, et le trafic d’esclaves en provenance d’Afrique prolifère. Le temps des Lumières permet d’évacuer en partie les mythes bibliques, et le récit de Cham comme fondement de l’esclavage est peu à peu décrédibilisé par l’exigence rationnelle.
Actes de domination et apartheid
la suite ici
http://www.lemondedesreligions.fr/culture/l-ivresse-de-noe-histoire-d-une-malediction-16-05-2011-1513_112.php
Matthieu Mégevand - publié le 16/05/2011
Dans son ouvrage L’Ivresse de Noé, Guillaume Hervieux nous emmène dans les multiples interprétations, juives, chrétiennes et musulmanes de ce récit biblique, et dans l’instrumentalisation historique de cette malédiction de Cham, reprise pour justifier l’esclavage, les conquêtes, la colonisation.
Tout part d’un mythe. Celui de Noé qui, une fois l’épreuve du Déluge passée, est surpris par l’un de ses fils, Cham, ivre et dans le plus simple appareil. L’ivresse disparue, Noé se réveille furieux et maudit Cham en la personne de son fils, Canaan, le condamnant, lui et sa descendance, à demeurer esclaves.
Dans un premier temps, le récit de Cham demeure cantonné au domaine théologique, pour les rabbins puis les premiers Pères de l’Eglise. Aucune catégorie ethnique de personnes n’est désignée comme destinée à la servitude, et la question se pose plutôt en terme de désobéissance à Dieu.
Seule la problématique du pêché - et de la malédiction qui en découle - est mise en avant pour justifier ou expliquer l’esclavage ; en aucun cas la couleur de la peau. Pourtant, avec l’apparition de l’islam au VIIe siècle, les choses se modifient peu à peu. Les musulmans, à partir du XIe siècle au moins, désignent Cham comme l’ancêtre du peuple noir (tandis que les Arabes et les Juifs descendent de Sem, et les Européens de Japhet).
"Vassaliser les indigènes"
Bien que le mythe de Cham ne serve pas d’explication principale, les peuples noirs sont rapidement considérés comme inférieurs -et ce en contradiction avec la révélation coranique- et asservis en conséquence. Mais le tournant fatidique demeure bien sûr la conquête des Nouveaux Mondes (Amériques et Afrique).
Les conquistadors se servent de récits bibliques pour justifier leurs présence et leur domination. "Un discours théologico-mythique est donc élaboré pour renforcer une légitime juridiction des princes chrétiens sur le Nouveau Monde, afin de vassaliser les indigènes -fils de Cham-, qui se seraient abusivement emparé des terres", explique Guillaume Hervieux.
On retrouve ces thèses chez une multitude d’auteurs, et le trafic d’esclaves en provenance d’Afrique prolifère. Le temps des Lumières permet d’évacuer en partie les mythes bibliques, et le récit de Cham comme fondement de l’esclavage est peu à peu décrédibilisé par l’exigence rationnelle.
Actes de domination et apartheid
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